La Gentillesse, une histoire de cœur !

Véhicule de premier ordre dans l’établissement et l’entretien des contacts humains, la notion de gentillesse a été passablement galvaudée au cours de l’évolution des mentalités et n’est guère prise au sérieux dans notre monde ultra-compétitif. Est-il possible de redorer son blason ?

Pas de gentillesse sans confiance.

Devise de notre gouverneur Pascal Hilty, reprise d’ailleurs par notre Président international, qualifiée de « plus grand plaisir de l’être humain » par le philosophe romain Marc-Aurèle, la gentillesse s’est vue progressivement dépouillée de ses plumes chatoyantes depuis la consécration de l’individualisme inspiré  à partir du  17ème siècle par les théories hobbésiennes pour se ternir définitivement après l’avènement de la pensée dite tatchérienne axée sur la responsabilisation de l’individu et l’esprit de compétition avec leur corollaire, la fin de l’état providence et la formulation  d’une compassion devenue exigeante. Dans un autre registre, la disponibilité à être à l’écoute des autres revient à assumer sa propre faiblesse, comme le dit D. H. Lawrence : « Toute compassion est de l’apitoiement sur soi ». Cette   perspective met en position de vulnérabilité l’individu bienveillant confronté à une société axée sur la compétition égoïste et la force de caractère. Empreinte pour certains.es de la conception religieuse de la charité chrétienne, elle se voit fréquemment attribuer une connotation passéiste.  Elle devient même un défaut dans la locution « il.elle est bien gentil.le ! ». 

Cependant, inspirée par une tradition japonaise et britannique, la fixation de la Journée Internationale de la Gentillesse au 13 novembre décidée par la France en 2009 suscite l’espoir de la voir retrouver une place plus enviable dans les préoccupations de nos contemporains. Cette journée est mentionnée dans plusieurs articles de presse, notamment l’article monographique d’Adam Phillips et Barbara Taylor paru dans The Guardian le 5 février 2009 et auquel le texte ci-dessous fait référence.      

Altruiste par excellence, la gentillesse est une vertu qui se double d’une force génératrice d’autosatisfaction, d’estime et d’autorité. Dispenser la gentillesse constitue une source de plaisir, de rapprochement gratifiant des êtres entre eux, dans le meilleur des cas d’accès au bonheur d’entrer en communion avec les pensées, les espoirs et les craintes d’un autre ( D. Winnicott). Dans cet ordre d’idée, la gentillesse devient un moyen de se faire du bien, de se faire plaisir. En nous ouvrant sur l’intimité avec l’autre, elle nous rapproche et renforce notre capacité de soulager ensemble nos peurs et nos incertitudes (Virginie Nussbaum-le Temps.2019).  

La crédibilité de notre gentillesse se mesurera cependant à l’aune de son impartialité et de son désintéressement. La philanthropie confère à son auteur force et puissance et comporte le risque de dépendance et de de rétrécir l’autonomie de son bénéficiaire.  La gentillesse est une vertu aveugle, sa neutralité favorise la confiance indispensable à sa réalisation et lui donne toute sa force, contrairement à l’attitude inquisitrice de la société bien-pensante du 19ème siècle dont la générosité condescendante gratifiait prioritairement le « bon pauvre » au détriment du renégat jugé inapte à mériter la bonté policée des bonnes gens d’alors. La préservation de la gentillesse met son promoteur au défi de réprimer son ressenti, de lui faire place à celui de l’autre, de lui procurer la satisfaction de l’écoute et faire acte de soumission davantage que de céder à son envie de jouer au donneur de conseil, de se mettre ainsi dans la position du perdant et d’en retirer au final le sentiment paradoxal d’un enrichissement gratifiant (Virginie Nussbaum-le Temps-2019). Gagner la co nfiance de ses bénéficiaires constitue un gage essentiel pour réussir une relation d’altruisme et de gentillesse.  Libérée de préjugés, dénuée d’œillères, elle saura s’assurer l’adhésion confiante de ses interlocuteurs et engager la relation humaine bienveillante sur une trajectoire transparente et lumineuse, au mépris de sournois courants souterrains soufflant en vent contraire. Merci à notre DG de nous en avoir montré la voie.

Joyeux Noêl à toutes et tous.

Michel Braun
Porrentruy, le 18.12.2020.